vendredi 21 octobre 2011

La recluse

 
Il y a longtemps, elle s’est enfermée dans une prison à sécurité maximale, dans lequel aucun individu n’a accès.

Seule, dans un monde imaginaire, tapie au fond de sa maison,  elle est heureuse. Personne à qui plaire, plus de comportement humain agressif à subir avec le sourire, plus de visiteur-surprise qui la dérange. Elle n’a plus comme compagnie que les oiseaux, les petites bêtes sauvages qu’elle nourrit, son chien et le bruissement des eaux qui courent entre les roches de la rivière.

Elle n’a ni mari, ni enfant, ni regret et si peu de souvenirs. Les gens du village la surnomment « la vieille folle ». Elle fait peur aux enfants et c’est très bien ainsi. Ils n’osent s’aventurer près de chez elle. Si jamais un inconnu pose les pieds sur son terrain, elle ouvre la porte à son énorme danois qui n’a d’envie que de mordre le derrière de l’intrus. Elle n’a peur de rien, ne s’ennuie jamais et se dit connectée en direct avec la nature.

Ses plus beaux moments sont ceux qu’elle passe à regarder se lever et se coucher le soleil. Les soirs de pleine lune aussi, où elle sort nue se baigner dans la fausse aux dorés, juste devant chez elle. Les longues veilles d’hiver, elle écrit et écrit des centaines de pages pour expliquer à ceux qui la liront, après sa mort, ce qui a mené une jeune femme de trente ans à choisir cette vie de recluse. Elle écrit SA vie.

En attendant la fin, ça ne me fait rien du tout qu’on m’appelle « la vieille folle ».


Claudette Bégin