mercredi 7 décembre 2011

L'écriture soulage les maux

L'automne de mes 17 ans ne s'est pas du tout déroulé comme prévu. J'étais pourtant bien préparée pour ma première session même si quelques appréhensions se faufilaient pour déjouer ma quiétude.  Mais cet automne-là, je n'ai jamais franchi les grandes portes du Cégep de St-Jean. Non. C'est à l'hôpital Notre-Dame que j'ai fait mon entrée pour n'en ressortir que dix semaines plus tard. Mon nouveau rhumatologue voulait me connaître de la tête aux pieds. Une hospitalisation s'imposait. 
Cette tâche demanderait des examens complets.  Des radiographies, des tests sanguins et des consultations en groupe parmi les médecins du département.  Un étage au grand complet avait été emménagé au Pavillon Simard pour n'y recevoir que des patients souffrant d'arthrite et j'étais parmi les nouveaux arrivants. C'est donc avec ma petite valise bleue, mon cactus et mon nouveau journal intime que je m'installais dans une minuscule chambre privée assignée par la garde de jour. Après les salutations d'usages, sans drame, mes parents ont repris la route pour St-Jean me laissant seule pour apprivoiser mon nouveau chez moi. Durant ces dix semaines loin de chez moi, plusieurs évènements diversifiés m'ont permis de grandir sainement tout en gardant le souffle d'une jeune fille de  dix-sept ans.
Quatre semaines, déjà s'étaient écoulées quand, un  après midi, un préposé s'est présenté à ma chambre avec un fauteuil roulant m'informant qu'il avait reçu pour instruction de me reconduire au bureau du Dr Pratt. Je n'avais pourtant pas été avisée de ce rendez-vous, mais j'avais rarement mon mot à dire sur ma cédule !
À mon arrivée, le Dr Pratt m'accueille gentiment et me demande de prendre place sur un siège face à son bureau. Et c'est avec courtoisie, qu'il m'annonce qu'il quitte la pratique de médecine pour se diriger en travail de recherche dans les laboratoires. Il veut dorénavant se consacrer à trouver des solutions pour contrer cette maladie sournoise.
Mais rapidement, il me rassure:  mon nouveau rhumatologue est un jeune médecin très compétent, d'ailleurs, je le connais déjà puisqu'il est passé m'examiner dernièrement. Le Dr Pelletier.  Pas très grand  avec de petites lunettes rondes. Oui, je sais de qui il s’agit. Ce médecin, je l'aime bien  et j'apprécie son sens de l'humour.
Il prit la peine de changer de place et de venir s'asseoir devant moi afin de me regarder droit dans les yeux.  Ce beau docteur toujours bien mis à l'accent français m'intimidait un peu, mais ce qu'il avait à me dire semblait si important que je m'appliquais à bien écouter. “Voilà, Dominique, j'ai remarqué que tu possédais une certaine aisance à t'exprimer. Parler de toi, parler avec les gens autour de toi semble si simple. Et bien, j'aimerais que tu continues dans ce sens. Ne te gêne pas. Parle, exprime ce que tu vis. Si tu as quelque chose à dire, et bien dis-le."
Autre chose.  Moi, jusqu’ici, je buvais ses paroles. Je ne m'attendais surtout pas à ce genre de discours ! Il continue.  "J'ai aussi remarqué que tu écrivais dans ton journal personnel. Et bien je voulais t'encourager à ce propos. Pour l'instant, tu n'es peut-être pas consciente de cela, mais l'écriture équivaut à 50% de ta guérison.  Quand tu écris, je ne sais pas à qui tu t'adresses, ni ce que tu racontes, mais ce que je souhaite au fond, c'est que tu ne t'arrêtes jamais.  Continue de te raconter et n'arrête pas d’écrire, cela vaut beaucoup plus que bien des médicaments."
Il se leva, me serra la main, me souhaita bonne route et déjà un préposé m'attendait à sa porte.  À ce jour, je n'ai jamais revu le Dr Pratt, ni même entendu parler de lui, mais les paroles prononcées dans son bureau ce jour-là ne m'ont jamais quittée.  C'est grâce à lui aujourd'hui ou pour lui (peu importe) que j'écris toujours un journal.
Auparavant, jamais un adulte n'avait pris la peine de mettre un sceau sur ce que je croyais " L'écriture soulage les maux".
Je confirme  qu'écrire est un acte donnant accès aux profondeurs de notre âme.

Dominique Pariseau,  novembre 2011

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