Mon héroïne se prénomme Vieillesse. Je l’ai bien connue à toutes les étapes de ma vie. Elle m’a influencée, entourée, impressionnée surtout après que je l’aie rejointe dans son groupe d’appartenance.
D’abord, dès ma naissance, Vieillesse était présente ; en effet, mes deux grands-mères ont assisté au double accouchement de ma mère, lorsque ma sœur jumelle et moi sommes arrivées en ce bas monde. Surprises et tendres à la fois, elles se sont bien occupées de nous, jusqu’à nous faire baptiser ce même dimanche de juin 1941.
Ensuite, Vieillesse qui habitait un logement tout à côté du nôtre, je l’ai bien côtoyée, dès mes premiers pas jusqu’à mon adolescence, alors que grand-père Arthur m’assoyait sur ses genoux pour lire « La Presse ». J’étais curieuse de connaître les mêmes choses importantes que lui. Ses blagues et ses jeux de mains avec ses doigts entrecroisés m’amusaient pendant que je découvrais la magie de tout ce qu’il connaissait. Comme je le trouvais savant ! Par ailleurs, la chaleur des bras de grand-mère Anna savait me consoler et me bercer afin d’endormir toutes les douleurs physiques qui m’assaillaient. C’est avec elle que j’allais, chaque jour, chercher les œufs au poulailler alors qu’elle me racontait ses souvenirs d’enfance. Comme elle savait me faire rire au travers de mes larmes !
De même que, à cette époque, Vieillesse voulait dire aussi visiter mes autres grands-parents qui habitaient sur une ferme un peu plus loin. Combien de fois me suis-je assise près de mon grand-père Leduc dans sa Buick 1940 pour me rendre à la messe du dimanche ? Je sens encore l’odeur du cuir et je vois danser les petits pompons qui ornaient la lunette arrière. Quelle belle invention pour moi qui ne connaissais que le cheval et la voiture ! Et que dire de la patience de ma grand-mère Flore qui cuisinait de bons gâteaux au chocolat et à la crème pour me régaler le dimanche et les jours de fête ? J’entends encore le rire et les taquineries de mes nombreux cousins et cousines entassés autour de la table.
Puis Vieillesse a pris une toute autre couleur lorsque je suis devenue adolescente. Les religieuses sans âge qui m’enseignaient au pensionnat me semblaient bien sages. Comment ces femmes pouvaient-elles être heureuses ? Pourtant, était inscrit sur leur visage ce bonheur tranquille qui caractérise souvent les gens qui avancent en âge.
Et dans ma vie adulte, Vieillesse m’a encore plus impressionnée, puisqu’elle venait à mon secours lorsque mon rôle de mère arrivait à me dépasser. Elle prenait le visage de ma mère ou de mon beau-père. Lors de mes accouchements, maman venait à la maison prendre soin du bébé et mon beau-père Jean-Marie savait toujours m’encourager dans ma routine de tous les jours. Il était si gentil et si compatissant lorsqu’un coup dur m’arrivait !
Vieillesse m’a aussi chagrinée lorsque mes deux parents sont décédés. L’un par accident tragique, l’autre des suites d’une longue maladie. Ces êtres qui m’avaient donné la vie m’étaient retirés ; comme ça été difficile pour moi de me retrouver orpheline. Plus de balise, plus de sagesse pour m’épauler, plus de dimanche où je pouvais les visiter et me remémorer les bons moments de mon enfance ; j’étais désemparée !
Puis Vieillesse m’a rattrapée moi-même graduellement jusqu’à aujourd’hui où je suis à la retraite. Vieillesse que j’apprécie puisqu’elle me permet de jouir de la vie tout doucement et à mon rythme. Mes enfants et petits-enfants font ma joie. C’est moi maintenant qui suis la sage de la famille, qui peux les encourager et les dépanner à l’occasion.
De surcroît, Vieillesse me permet de connaître de stimulantes activités, de nouer de nouvelles amitiés, puisque le temps, qui était une denrée rare dans ma vie active, devient mon meilleur complice. En effet, j’en use à ma façon, pour mon plus grand bonheur.
Généreuse, Vieillesse est toujours là qui me suggère de faire attention à ma santé, à la suivre de plus près et à la respecter, afin que je devienne une belle vieille, à l’instar des personnes du troisième âge que j’ai connues tout au long de ma vie. D’ailleurs, ne me suis-je pas toujours sentie très proche des personnes qui arboraient avec fierté leurs cheveux blancs?
Surprenante, Vieillesse montre aujourd’hui un visage beaucoup plus jeune que celui d’autrefois. Bien sûr, elle compte le même nombre d’années, mais elle est plus dynamique, plus responsable de sa prise en charge ; grand-mère maintenant se teint les cheveux, se fait belle dans son miroir, porte des vêtements plus jeunes. Grand-père, lui, s’adonne à divers sports pour se tenir en forme, astique son véhicule motorisé en vue du prochain voyage de fin de semaine ou pour aller passer ses hivers dans le Sud.
Jusqu’à la résidence d’aînés qui se montre plus attrayante pour Vieillesse que les anciens mouroirs d’autrefois. Leur offrant plein d’activités, ces maisons de retraite sont invitantes pour ces aînés qui désirent se reposer de tous les travaux domestiques qu’exige une maison unifamiliale.
Étonnant comme partout dans le monde, l’Université du troisième âge flirte avec Vieillesse qui, elle, se laisse séduire et attirer par tous ces cours fascinants. Elle s’en trouve valorisée et maintient son intellect en forme autant que ses muscles dans la salle de conditionnement physique. Aussi, quelle activité intéressante offerte par ces nouvelles machines que sont les ordinateurs ; ainsi Vieillesse s’en sert pour communiquer avec ses amis en tout temps. Débarrassée de tous ses soucis, elle ne se peut plus de s’étonner devant cette invention et de se familiariser avec la nouvelle technologie.
Vieillesse, par ailleurs, se dépense sans compter au service des plus démunis ou de ses congénères, en pratiquant le bénévolat. Au centre communautaire, à la bibliothèque, accompagnant des enfants qui désirent de l’aide aux devoirs, près des handicapés, à la maison des jeunes, elle sème un peu de joie par son sourire, ses connaissances, son support et son calme légendaire. C’est pourquoi notre société sait très bien que si Vieillesse n’apportait pas son coup de main, beaucoup de nos semblables seraient très seuls avec leurs problèmes particuliers.
Par conséquent, je me sens privilégiée d’avoir connu Vieillesse et de côtoyer toutes ces personnes d’âge mûr en plus d’en être devenue une au fil des années. Mais, loin de moi l’idée de laisser le grand âge me rattraper trop tôt. Cependant, j’y suis déjà préparée par l’exemple de ces personnes remarquables qui m’entourent.
Yvette Cazelais
(Yvette est secrétaire de l'association)
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